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lundi 2 janvier 2012

3 Questions à Patrick Chamoiseau : Grand Saint Pierre, Tourisme, Martinique

Directeur des projets Grand Saint-Pierre et Embellie des Trois-Ilets en Martinique, Patrick Chamoiseau me racontait il n'y a pas si longtemps son ambition pour ces deux projets d'aménagement. L'occasion pour l'écrivain de nous livrer sa vision sans concession du tourisme tel qu'il devrait se développer aux Antilles-Guyane.
Fwitourism.blogspot.com vous en livre un extrait.

« Le problème qui se pose c’est que les visiteurs ne nous ont pas identifiés en tant que destination culturelle »

Kery RABATHALY : Pouvez-vous nous présenter en quelques mots les objectifs des projets « Grand Saint Pierre » et « Embellie des Trois îlets » ?

Patrick CHAMOISEAU : Il s’agit de créer deux grandes zones d’attractivité régionale, c'est-à-dire qu’en partant des réalités historiques,mémorielles,géographiques, culturelles et environnementales de Saint Pierre et des Trois-Ilets, tenter de faire de ces lieux des espaces de développement économique, social, culturel, touristique etc.. L’intérêt de créer deux grandes zones, c’est que ça permet de compenser l’hypertrophie du centre Lamentin/Fort-de-France/Schoelcher qui a tendance à absorber tous les équipements culturels et pratiquement toute la vie culturelle et artistique de la Martinique et qui laisse autour de lui une sorte de quasi-désert culturelle dans l’ensemble du pays. Ces deux zones doivent à terme devenir tout naturellement des moteurs de développement économique et sociale du territoire mais plus globalement des éléments d’attractivité du territoire. 

Je ne crois pas que la Martinique ait une vocation touristique, les pays n’ont pas de vocation touristique, les peuples n’ont pas de vocation touristique, les peuples ont une vocation à la relation, à se connaitre, à se rencontrer, à découvrir leur richesse, leur trésor, leur vision du monde, à créer des sociétés multi composites. C’est ça le grand mouvement du monde…et c’est dans cette mouvance que nous devons nous inscrire, dans un processus relationnel, un processus d’attractivité, de vitalité culturelle. Attirer des visiteurs et attirer des voyageurs de toute nature, de toutes sortes et bien sur l’idée est de réanimer ce que nous avons perdu c'est-à-dire le voyage. 

K.R. : Relancer l’attractivité de Saint Pierre, c’est aussi relancer l’attractivité touristique, vous en avez parlé avec la création d’un terminal de croisière au sein de l’espace Nord-Caraïbes, est-ce que selon vous le développement touristique doit il s’inspirer de ce qui se fait à la Dominique avec le tourisme vert, ou de Sainte Lucie et Barbade avec un tourisme balnéaire et de masse ou simplement se spécialiser dans l’aspect culturel ?

P.C. : Je pense que le seul moyen d’échapper au dessèchement à l’heure du tourisme industriel et de son idéologie est de parvenir à un éclat culturel. Cuba est une destination économique et touristique importante tout simplement parce que du point de vue historique et culturelle, Cuba a une très forte visibilité alors que nous on en a pas. Entrer en relation véritable avec les peuples, les cultures, ça c’est exister culturellement, c’est évident. On ne peut pas définir un programme monolithique, c'est-à-dire cibler un tourisme vert, culturel…Je n’aime pas l’idée de mettre le tourisme en premier moi je parle d’attractivité. Quand on voit Saint-Pierre, il est évident qu’on est attiré par sa montagne, la splendeur verte, un écosystème remarquable, en arrière-plan on aperçoit les pitons du Carbet…Il est évident qu’il y a une dimension environnementale et écologique qu’il faut utiliser. Il y a une dynamique à trouver sur la question du vert. L’autre élément est la mer, il y a une dimension maritime et balnéaire indéniable. Il y a aussi la trame urbain qui elle est faite de vestiges, tous ces vestiges doivent représenter des points d’appuis pour mettre en scène la ville nouvelle et c’est là que les artistes vont intervenir pour dessiner le nouveau visage de la ville. On s’aperçoit que les programmes d’attractivité sont donnés par la conformation du lieu, quand les potentialités du lieu sont identifiées.

Concernant le tourisme, ce qu’il faut comprendre c’est de définir une autre intensité d’attractivité. Quand je vais à Saint Pierre et que je vois que tout est vide, quand je monte au Morne-Rouge et que je vais me baigner à l’Anse Céron ou aux abords de la montagne. Quand je vois que tous les martiniquais sont concentrés dans le sud parce que nous sommes victimes de l’imaginaire occidental avec la plage de sable blanc etc… c’est lamentable. Alors qu’il y a tant de splendeurs et de beautés. Il y a donc un travail à faire pour que ces lieux deviennent attractifs pour les martiniquais, il y un travail à faire sur les imaginaires, sur la représentation qu’ils ont de ces lieux. Et ça ce sont des phénomènes intérieurs qui doivent être traités. Ce que j’appelle l’imaginaire intérieur du pays.

K.R. : Comment percevez-vous cette campagne de promotion auprès de la population « nous sommes des bâtisseurs de paradis » lancée par le Comité Martiniquais du Tourisme ?

L’idée d’impliquer la population à la construction de notre bien-être et notre bien-vivre est importante. Le problème est que cette formulation s’inscrit dans les fantasmes et l’idéologie du tourisme industriel qui ont tendance à vouloir que nos pays soient des paradis. Alors les touristes vont pester parce qu’il y a des grèves, parce qu’il y a des coupures de courant, parce qu’il y a un cyclone… alors que nous sommes dans une réalité où la situation économique est difficile, le climat social est tendu, et l’environnement peut s’avérer violent avec des risques de séismes et de cyclones… et ça, si on reste dans l’option du paradis on risque d’effacer le pays sous des modalités artificielles, or il est important que nous jouions la carte de l’authenticité et de la réalité. Vous venez à la rencontre d’une réalité géographique, économique et sociale, et toutes ces réalités font quoi, non pas un paradis mais elles font un pays. On doit sortir de l’idée de paradis et devenir des bâtisseurs de pays.


Césaire disait déjà « nous avons un paysage, il nous faut en faire un pays ».


1 commentaire:

  1. Tout à fait d'accord avec les propos de M. CHAMOISEAU : il faut bâtir le pays... et je dirais sur ce qui peut être fait !
    Honnêtement, la Ville de Saint-Pierre devrait être promotionnée et mis en valeur mais à ce jour elle me semble asphyxiée de part sa topographie et sa circulation mais aussi, peut être, par les résidents !

    Je ne sens pas vraiment plus d'entrain que cela, même au niveau de l'OT : on entend parler de St Pierre en général au mois de Mai.

    Gage à tous de mener à bien ce projet du Grand Saint Pierre, projet qui certes prend du temps à vraiment démarrer mais qui permettra de donner à l'île trois vrais pôles touristiques et d'attractivité !

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