[Correspondance] Notre très chère spécificité... antillaise

"Plus l'esprit est léger et la tête vide, plus la posture est droite" 

(Bernard Willems-Diriken). 

Au cours d'un petit échange amical dont l'université des Antilles-Guyane n'était qu'un prétexte au plaisir du débat contradictoire, c'est tout naturellement que je me retrouve à devoir argumenter sur nos sacro-saintes spécificités insulaires. Cette marotte intellectuelle qui gangrène nos discours, ce postiche qui nous cache et plante nos postures, biberonnés à cette singularité tropicale, depuis la genèse de notre histoire française.

Notre très chère spécificité antillaise

Ah cette très chère spécificité martiniquaise... guadeloupéenne... antillaise

Celle qui nous distingue des godillots du monde

Il ne reste plus un antillais à qui elle ne plaise

Soumis, que nous sommes, à cette Europe qui nous abonde

Fort heureusement, il existe bien un domaine d'activité où l'excellence se mesure volontiers à son degré de rareté, où la spécificité est célébrée et l'authenticité saluée. Des planctons endémiques aux herbes folles féeriques, tout plaisir est associé aux particularismes d'un pays, de sa topographie capricieuse à son climat rigoureux, le voyageur excité retiendra, veut-on croire, l'expérience... unique.

Cette spécificité qui nous achève

Par facilité d'abord, parce qu'elle nous permet de nous dérober

Cette spécificité qui nous enlève,

Notre ambition de croire, que nous pourrions, seuls, penser

Cette spécificité qui nous révèle

Notre accoutumance enfin, à crier au monde notre singularité

Pour autant, sur des territoires aussi singuliers que les nôtres, l'activité touristique semble patiner. N'attirant sur nos refuges si particuliers, que nos expatriés amères, nos fonctionnaires aux congés bonifiés et nos récurrents compatriotes, économes pendant l'année et toujours fourmis sous nos longs étés. Le tourisme ne se contenterait-il pas de la seule authenticité ? Celle qui, tous les jours, soumet la patience de l'autochtone pourtant avisé ?

Notre très chère spécificité antillaise
Hymne nostalgique de planteurs indolents
Ritournelle contemporaine d'intellectuels inconstants
Arrêtons-nous mon bienheureux, ne cherchons plus de symboles
C'est ici que repose notre imaginaire... créole

Pour avoir la réponse à toutes mes interrogations, je me suis décidé à m'inscrire à la SOTIC 2013 qui aura lieu à Madiana et qui a pour thème "Perfecting the Experience, Delivering the Authenticity"

Promis, je ne l'ai pas fait exprès...

"Nul, en effet, n'a tort quand tous radotent" 

(William Shakespeare)